Ne me quitte pas !
(sur l’air bien connu de la chanson de Jacques Brel)
Ne me quitte pas
Il faut s’oublier
Tous les jours blessés
Qui s’enfuient déjà
Espacer le temps
Rattacher l’espace
Et le temps qui passe
À chercher dans l’ vent
La chair du passé
Qui saignait parfois
À coups de malheurs
Le cœur du « pourquoi ? »
Ne me quitte pas
Ne nous quittez pas
Ne nous quittons pas
Ne vous quittez pas
On fera les comptes
Des dettes réciproques
Des dons équivoques
D’indicibles hontes
On creusera l’avenir
Jusqu’aux origines
Car elles osent dire
Qu’elles ont rattaché
La Belgique si belle
Au Congo si beau
Entredéchirés
Ne me quitte pas
Ne nous quittez pas
Ne nous quittons pas
Ne vous quittez pas
Ne me quitte pas
On se montrera
Nos miroirs de face
Sans faire de grimaces
On se parlera
De ces années-là
Qui ont vu cent fois
Les distances se rayer
On récitera
L’histoire de ce roi
Fort de n’avoir pas
Pu se faire oublier
Ne me quitte pas
Ne nous quittez pas
Ne nous quittons pas
Ne vous quittez pas
Déjà on entend
Retentir le cri
De deux continents
Qu’on croyait ennemis
Il est paraît-il
Des ponts improbables
Écrits comme des fables
Dans le cœur des îles
Et quand la peur naît
D’avoir tout raté
Belges et Congolais
Ne s’épousent-ils pas
Ne me quitte pas
Ne nous quittez pas
Ne nous quittons pas
Ne vous quittez pas
Ne me quitte pas
On ne va plus s’défendre
On va réfléchir
On va s’admirer
Et s’écouter rire
Se méfier de soi
Le dire en deux mots :
Faute de Congo
Une fille s’embrasse
Si belle, chic et lasse
Ne me quitte pas
Ne nous quittez pas
Ne nous quittons pas
Ne vous quittez pas
Reviens !
(sur l’air bien connu de la chanson d’Hervé Vilard)
Reviens, tu nous manques, Léopold, ô sauveur !
Tout le sang « indigène » a séché !
Tout’ les mains sectionnées ont r’poussé !
Tout va bien !
Reviens, on voudrait de nouveau en baver,
Se servir des richesses toujours vierges,
Devenir de parfaits petits Belges !
Quand l’ Congo était ton jardin, quels Noirs ! quelle brousse !
Oui, il fallait que tout comme toi, tout droit, tout pousse !
Reviens, rappelle-toi ta très bonne gouvernance :
Quand à coups d’ goupillon les Noirs dansent
Et turbinent et s’excusent d’êtr’ si noirs
Pour ta gloire !
Reviens, ô génial super belge protecteur!
Dans ton ombre, tout grossit ou se meurt !
Belgo-blanc, belgolaise, belgo-brute
Fils de... « Chut ! »
Oui, Louis Michel t’arrive pas à la ch’ville :
Trop de gants, pas de couille, une vraie fille !
Du Congo toi seul avais envie !
D’ la carotte t’ as fait un bâton : chapeau ! Faut l’ faire !
Du Congo t’as fait un Pérou : quel homme… d’affaires !
Reviens, ta grande oeuvr’ a pris un coup de vieux !
Les Blancs blancs, les Noirs noirs, tous grincheux,
Rattache-les, rattache-nous, rapplique-toi !
Sans scrupules, par plaisir, ô roi !
Reviens, contre nous, toi seul fais un rempart !
Léopold, Léo pur, Léopard !
Même ton ch’val piaffe déjà de ruer
Dans l’derrière
Colonial du siècle !
Reviens, tu nous manques, Léopold, ô sauveur !
Tout le sang « indigène » a séché !
Tout’ les mains sectionnées ont r’poussé de plus belle !
Criminel prospère,
Reviens ! Fin stratège, chaud lapin, missionnaire !
Léopold, Léo pur, Léopard !
Sans scrupules, par plaisir, salopard...