Patrick Declerck (1953- ---)
philosophe, anthropologue et psychanalyste belge
Extrait de Les naufragés, Plon, Pocket, 2001, p.103 :
« Toute pensée repose, en son fondement, sur deux mouvements, celui de l’identification de l’égalité, du même, et celui de la perception de la différence, de l’inégal. Or, perversion de l’ethos démocratique, la différence nous est devenue impensable. L’autre n’est chanté que pour mieux montrer qu’en définitive, il n’est autre que nous-mêmes. Dire l’autre différent est immédiatement soupçonné de racisme, d’élitisme, d’une forme quelconque de mépris. Penser le différent est frappé d’un interdit profond. Et c’est alors le mécanisme même de toute pensée qui est touché, car la pensée du même n’est pas pensée. Elle n’en est que la caricature vide de sens. Indifférenciée. Sans sexe. Fusionnelle. Rêverie narcissique tout au plus. Onanisme de l’équation… »
D'où se déduit le slogan suivant :
Pour altérer l’altérité de l’Autre… |
Extrait de Le sang nouveau est arrivé, Gallimard, Folio, 2005, pp.22-23 et 129 :
« Hoi polloi, disait Platon. Les plusieurs. Les multiples. La masse… Le peuple, cette merde. Les mêmes qui condamnèrent Socrate. Qui le condamnent encore. Qui le condamneront toujours. Ici. Ailleurs. Partout… Et avec la même tranquillité, la même aisance, la même certitude. Toujours aussi cons. Toujours aussi contents… Ça ne connaît pas le doute, le peuple. La nuance, la finesse, la distinction, la logique, qui sont, en somme, comme la courtoisie de la pensée, il connaît pas, le peuple. Pire, il s’en tape. La seule chose qui le fait redresser la gueule de son auge, bouger un peu, ciller de ses yeux myopes et porcins : l’affect. Le sentiment. L’amour ou la haine. Peu importe, mais du total toujours. Du définitif de l’instant. Du radical. De l’émoi.
Et ce n’est pas le mépris de classe. Des soi-disant simples. Foutre, non ! Ce serait trop facile, vraiment. Non, c’est le terrible et métaphysique malheur du pluriel. Toute l’espèce qui est tarée. De la Goutte d’Or à Beverly Hills. Vertiges…
Ça pense pas, le peuple. C’est abruti comme du bétail. Un chiffon et boum ! ça démarre. Ça fonce. N’importe où. Pour n’importe quoi. Il sait pas, Populo. Popolloi. Il sait rien. Il comprend rien. Il soupçonne d’ailleurs même pas qu’il y a quelque chose à comprendre. Il court, c’est tout… Le peuple, ça s’indigne, ça pousse des cris indistincts, ça bave. Ça palpite comme un viscère. Une méduse. Une charogne grouillant d’asticots… Ça dit tout. Ça veut tout. Ça vote tout et son contraire, le peuple. C’est n’importe quoi, le peuple… Faut pas le dire, c’est un secret ! Un secret bien gênant pour la démocratie, qu’il confonde toujours, le peuple, les ombres et le réel… Un secret bien connu depuis vingt-cinq siècles… C’est tout Platon. C’est ça, la caverne. La séduction toujours des mirages qui dansent… Hoi polloi !
[…]
L’ultime impertinence (à propos de Nicolas Sarkozy et Georges W. Bush), la dernière transgression de la post-modernité démocratico-StarAc’, est de ne plus se sentir tenu de s’excuser de sa propre et insondable vulgarité. Oui, le pire est là. »
D'où se déduit le slogan suivant :
La « volonté du peuple » ? |